[article] Séropo super héros [revue] / Michel Ohayon, Auteur . - 2019 . - p.120-127. Langues : Français in Sexologies > vol.28 n°3 (juillet septembre 2019) . - p.120-127 Mots-clés : | homme prophylaxie pré-exposition (PrEP) VIH virus d'immunodéficience humaine
| Résumé : | L’évolution du pronostic de l’infection par le VIH et l’impact des stratégies biomédicales sur la prévention de la transmission ont renforcé la singularité de la situation des hommes vivant avec le VIH à l’intérieur des minorités homosexuelles. Au fur et à mesure que la question des devoirs, centrés sur la prévention, glissait vers celle du pouvoir, le séropositif, héros martyr des années 1980–1990 est devenu celui qui s’est affranchi de la peur du sida. La charge virale indétectable, standard du traitement, rend l’individu lui-même indétectable voire invisible. Au sein d’un groupe profondément marqué par l’histoire du sida, il s’agit là de superpouvoirs. Le séropo est donc devenu un superhéros. La clinique sexologique des gays vivant avec le VIH dit autre chose. Au-delà des adaptations bien connues de la sexualité, qu’il s’agisse d’une abstinence imposée, d’une modification des rôles sexuels, d’une limitation des relations à des partenaires de même statut ou de la constitution de couples parfois à tout prix, les gays séropositifs semblent aujourd’hui devoir négocier avec cette image qu’on leur a imposée, dans un contexte où la rencontre sexuelle adopte de plus en plus un modèle néolibéral. Injonction à jouir, à ne pas avoir de problème, à être satisfait de ces superpouvoirs acquis malgré soi, dans un contexte où l’invisibilité est exigée, n’aident pas les séropos à réparer les conséquences de leur infection sur leur sexualité. En adoptant les comportements qui leurs sont attribués, certains exercent leurs superpouvoirs et transgressent tous les interdits (pratiques sexuelles, drogues) pour pouvoir, enfin, ressentir à nouveau quelque chose. Il est probable que nos superhéros ne le sont que dans le regard des autres. La prise de distance des gays avec l’épidémie qu’on peut attendre, dans le futur, du développement de la PrEP, permettra-t-il de mettre fin à cette fabrication d’un fantasme qui colle à la peau des gays séropositifs et nourrit largement la clinique sexologique ? |
[article] in Sexologies > vol.28 n°3 (juillet septembre 2019) . - p.120-127 Titre : | Séropo super héros | Type de document : | revue | Auteurs : | Michel Ohayon, Auteur | Année de publication : | 2019 | Article en page(s) : | p.120-127 | Langues : | Français | Mots-clés : | homme prophylaxie pré-exposition (PrEP) VIH virus d'immunodéficience humaine
| Résumé : | L’évolution du pronostic de l’infection par le VIH et l’impact des stratégies biomédicales sur la prévention de la transmission ont renforcé la singularité de la situation des hommes vivant avec le VIH à l’intérieur des minorités homosexuelles. Au fur et à mesure que la question des devoirs, centrés sur la prévention, glissait vers celle du pouvoir, le séropositif, héros martyr des années 1980–1990 est devenu celui qui s’est affranchi de la peur du sida. La charge virale indétectable, standard du traitement, rend l’individu lui-même indétectable voire invisible. Au sein d’un groupe profondément marqué par l’histoire du sida, il s’agit là de superpouvoirs. Le séropo est donc devenu un superhéros. La clinique sexologique des gays vivant avec le VIH dit autre chose. Au-delà des adaptations bien connues de la sexualité, qu’il s’agisse d’une abstinence imposée, d’une modification des rôles sexuels, d’une limitation des relations à des partenaires de même statut ou de la constitution de couples parfois à tout prix, les gays séropositifs semblent aujourd’hui devoir négocier avec cette image qu’on leur a imposée, dans un contexte où la rencontre sexuelle adopte de plus en plus un modèle néolibéral. Injonction à jouir, à ne pas avoir de problème, à être satisfait de ces superpouvoirs acquis malgré soi, dans un contexte où l’invisibilité est exigée, n’aident pas les séropos à réparer les conséquences de leur infection sur leur sexualité. En adoptant les comportements qui leurs sont attribués, certains exercent leurs superpouvoirs et transgressent tous les interdits (pratiques sexuelles, drogues) pour pouvoir, enfin, ressentir à nouveau quelque chose. Il est probable que nos superhéros ne le sont que dans le regard des autres. La prise de distance des gays avec l’épidémie qu’on peut attendre, dans le futur, du développement de la PrEP, permettra-t-il de mettre fin à cette fabrication d’un fantasme qui colle à la peau des gays séropositifs et nourrit largement la clinique sexologique ? |
|